Le malentendu sur l’identité d’un personnage, volontaire ou non, est un ressort puissant de la comédie, au théâtre comme au cinéma. On songera aux contemporains de Buster Keaton, Charlie Chaplin avec Les Lumières de la ville (1931) et Harold Lloyd avec A la hauteur (1930), ou encore à un chef-d’œuvre plus tardif de la comédie américaine par un génie du genre, Certains l’aiment chaud de Billy Wilder (1959).
Comme dans ses autres films et ceux des maîtres du burlesque cités plus haut, Keaton incarne le héros de ses films, dont l’impassibilité du visage contraste fortement avec la mobilité du corps. Et cette mobilité est dans Le Dernier Round d’autant plus importante qu’aux traditionnelles chutes et courses-poursuites du cinéma burlesque s’ajoute la nécessité pour le personnage principal d’apprendre à rendre les coups sur un ring ! Alfred Butler, jeune homme riche peu exposé aux contraintes de la réalité, est en effet confondu avec un champion de boxe pugnace dont il partage le nom. L’enjeu va être désormais pour lui d’entretenir la méprise afin de ne pas perdre les sentiments d’une jeune fille gagnés grâce à cette confusion.
« Sportif par amour » pour paraphraser le titre d’un autre long métrage du même réalisateur, Alfred Butler semble jouer sur le ring le rapport à l’espace de tous les personnages incarnés par Buster Keaton, tour à tour projeté, rejeté, cherchant à esquiver ou fuir les coups, ou encore s’étourdissant tout seul dans une vaine tentative de frapper son adversaire. Mais c’est finalement le sentiment amoureux qui lui donnera la force inattendue de véritablement combattre. Et grâce à une jolie trouvaille visuelle finale qui voit le personnage chaussé à la fois d’un haut-de-forme et de gants de boxe, Keaton le montre comme celui qu’il est et celui qu’il prétendait être, déambulant joyeusement au bras de sa belle… Un marivaudage burlesque à savourer en famille !